La maîtresse n'en peut plus. Fatigue. Ras-le-bol. Et questionnements ...
Voilà des semaines que j'attends ces vacances, véritable oasis au milieu de ce qui ressemble à une traversée du désert.
Et si ce job n'était pas pour moi ? Et si je n'avais pas les épaules pour porter ça ? Et si ... et si ...
Il y a des phrases qui parfois sortent ici et choquent. Et il y a celles qui feraient mieux de ne jamais sortir devant les enfants, ou leurs parents.
Mais si elles sortaient quand même ? Seraient-elle le reflet du fond de ma pensée ou celui d'un état d'esprit passager ? Je ne sais pas. Peut-être que si mes collègues, mes élèves, mes parents d'élèves savaient, je me sentirais plus légère. Peut être que si je retrouvais la complicité naturelle que j'ai toujours eue avec les enfants, au delà de toute relation d'enseignement, je n'aurais plus ce nœud au ventre au moment de monter dans ma voiture pour aller bosser. Peut être ...
"Oui Gilbert, je t'entends hurler mon prénom à l'autre bout de la classe, mais je n'ai pas envie de te répondre, je préfèrerais que tu viennes jusqu'à moi. Ou que tu te taises."
"Tu m'énerves Gilbert. Je ne sais pas comment faire avec toi, peut être parce que tu me renvois que ma séance n'a pas vraiment de sens pour toi, ou que tu t'en fiches de ce que je te raconte sans grande conviction. Il parait que les collègues font ça, ça doit être bien pourtant."
"Gilbert !!! Ca fait dix fois que je dis ton prénom depuis 8h30 ce matin, alors qu'il est à peine 9h. J'en ai déjà marre et il nous reste 6h à faire ensemble. Je vais criser là. Chut. Tais toi. Je n'en peux déjà plus de toi. Oh rassure toi, tu n'y es probablement pas pour grand chose. Même si ton comportement est souvent légèrement énervant. Je m'énerve facilement en ce moment."
Alors je me tais. Je ravale mes larmes en partant au boulot. Je me ferme aux remarques desobligeantes qui pourraient me faire craquer. Et je sors mon masque "maîtresse souriante" pour tenter de donner le change devant les parents, les enfants, les collègues.
Parfois, le masque se fissure, heureusemnent, je suis souvent la première à le sentir, alors je m'isole, je pleure un peu, et après, ça va mieux.
J'ai envie de tout foutre en l'air.
Il y a 10 ans, je ne rêvais que de ce que j'ai aujourd'hui. Une classe, des maternelles, une équipe sympa, et des petits bouts à la maison beaucoup plus sympas que ceux de l'école, bien sûr.
Aujourd'hui, je suis contente de ne pas trouver d'enfants à la maison en rentrant, parce que je crois que je serais désagréable avec eux. Qu'est ce qui a changé ?
Je ne sais pas.