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25 janvier 2008 5 25 /01 /janvier /2008 15:59
stetoscope1.jpgSalut la compagnie !

Bienvenue ici à ceux qui passeraient encore dans le coin pour la première fois, rassurez vous, ce que vous avez manqué est insignifiant, et comme on dit, il vaut mieux tard que jamais.

Certains se demandent déjà (je parle là des plus perspicaces (j'adore ce mot !)) pourquoi mon article parle de mardi gras alors que nous sommes le  samedi 26 janvier. La réponse  : j'ai décidé de participer à un carnaval.  Le principe du carnaval étant de se déguiser, j'ai décidé de me déguiser en blog médical. A partir de l'idée des excellentissimes Dr Passmore et Zeclarr, je participe au carnaval des blogs médicaux. Pour plus d'information, vous pourrez dans quelques instants cliquer sur la bannière à droite et lire les conditions d'achat de participation.

Voici donc les raisons de cette note.



J'ai toujours eu un problème avec la médecine. D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours eu une sainte horreur d'aller chez le médecin. Je crois qu'une partie de ce problème est lié au médecin traitant qui m'a suivie  toute mon enfance et mon adolescence. Par respect pour les longues années d'études qu'il a dû faire avant d'ouvrir son cabinet, je ne citerai pas son nom et l'appelerai le Dr Maboul. En souvenir de ce jeu de société absolument magique dans lequel l'enfant se met à la place du médecin indélicat qui voit son patient "sonner" (comprenez hurler, mais le créateur du jeu a eu pitié des oreilles des parents) au moindre geste imprécis. Au delà des capacités de motricité fine que ce jeu permet de développer, il est relativement représentatif de l'image de la visite chez le médecin que je me suis fabriquée enfant.
J'ai 5 ans, peut être 6. Le Dr Maboul travaille près de chez mes parents. Quand le motif de la visite le permet, nous y allons à pied, ajoutant ainsi au stress, lié à ce rendez vous, le chemin de croix de l'enfant malade. Nous arrivons ensuite dans la cour de gravier servant de parking à l'immeuble du docteur. Maman appuie sur l'interphone et "clic" la porte se débloque. Elle pousse la lourde porte verte en métal et nous entrons dans ce vieil immeuble des années 70. Un grand hall carrelé de gris , des boites aux lettres de chaque coté et une plante verte soigneusement entretenue mais ne laissant aucune illusion sur l'immensité de ce lieu, vu de mes yeux d'enfant. Il n'y a pas d'ascenseur et c'est donc à pied que nous montons au premier étage, la porte est à droite mais je rève intérieurement que la porte d'en face s'ouvre et m'offre une dernière chance d'évasion. Nous sonnons et entrons, comme indiqué sur la plaque dorée posée sur la porte.
La salle d'attente est sur la gauche et l'angoisse, à ce moment-là de la visite concerne le nombre de personnes déjà installées sur les sobres sièges blancs. La plupart du temps, c'est trois ou quatres patients qui attendent sagement leur tour. Maman peste, bien sûr, sur ce médecin incapable de s'en tenir aux rendez-vous pris et qui accepte sans plus de formalités tous ceux qui passent par sa salle d'attente. Je l'entends encore parler tout bas, mais suffisamment fort pour être entendue, de la pénibilité d'attendre 1h (au minimum) avec un jeune enfant. Quant à moi, je m'enfonce dans mon siège et attrape un magazine, avec le secret espoir de me faire oublier. Les BD sont toujours les mêmes, maman dit que les gens emmènent toutes celles que le médecin rajoute et celà ne fait qu'augmenter mon stress.
Les gens autour de moi me font peur. Il y a des vieux monsieurs, qui crachent leurs poumons à chaque fois qu'ils toussent,  des vieilles dames, qui sentent la laque et le maquillage, toutes maigres sur leur siège, des grosses dames, dont les fesses débordent du siège et qui aboient à leurs enfants, tout aussi volumineux, de rester assis et d'arrêter de faire du bruit. Il y a aussi les mamans qui prennent leurs enfants sur leur genoux et profitent de l'attente pour les rassurer. Ma maman à moi lit un magazine, et je ne lui demande pas un calin, je risquerai de me faire remarquer. Le temps qui suit est formidablement long. Des gens disparaissent dans le cabinet, d'autres prennent leur place dans les fauteuils. Je sais que mon heure approche et une boule se noue dans mon ventre.
Enfin, la porte du cabinet s'ouvre et le médecin raccompagne son dernier patient à la porte de l'appartement. Il la referme soigneusement et se dirige vers la salle d'attente. Il pose son regard sur nous, il faut se lever. Maman me prend le bras et m'entraine avec elle. Le docteur nous laisse entrer dans son bureau et referme la porte capitonnée, mettant fin à mon dernier espoir d'échapper à la consultation. Il s'asseoit dans un grand fauteuil de cuir et nous invite à en faire autant sur des fauteuils de toile. Il profite de ces moments anodins pour m'observer et je le sais. Avant même d'avoir enlevé mon manteau, je me sens déjà examinée. J'entends maman qui lui parle, probablement d'un problème de constipation ou d'otite, maux chroniques de mon enfance. Le docteur l'écoute, pose des questions puis tourne la tête vers moi et dit "Nous allons regarder tout ça". Sa voix est grave et me fait peur, mais je tente de ne rien montrer.
Dans la salle d'examen, maman m'aide à me déshabiller, on enlève tout, sauf la culotte. J'ai froid, je me sens vulnérable presque nue devant cet inconnu. Il y a deux petites marches pour monter sur la table, elles sont en fer et sont froides sous mes pieds nus. Je m'allonge docilement mais j'inspecte tous les gestes du docteur. Quels outils va-t-il sortir ? Vais-je avoir mal ? Il me tourne le dos et je crains le moment où il va se retourner comme un contrôle de maths à l'école. A quoi ça sert de travailler, j'aurai toujours une mauvaise note ? A quoi ça sert de m'examiner, j'ai toujours la même chose ? Mais il s'en fiche, c'est son métier et si maman m'a ammenée ici, il y a bien une raison. Il se retourne donc et prend dans ses mains, qui m'ont toujours parues immenses et terriblement poilues, un de ses instruments de torture. Bien sûr, ma douleur est psychologique, j'ai une peur phénoménale de cet homme et de son savoir. Maman semble boire ses paroles et écoute très attentivement ses conseils. Je n'entends que des bruits diffus, allongée sur la table. Je ne sens que les odeurs du cabinet, tellement différentes de celles de la maison. Ses mains sur ma peau sont froides et inquisitrices. Tu as mal là ? et ici ? Mon corps entier n'est qu'une boule de nerfs à vif , ma gorge est sèche et la présence de maman réussit à peine à me rassurer.
Enfin, c'est la délivrance. Maman me dit que je peux me rhabiller et disparait derrière le docteur dans le bureau au grand siège de cuir. Je suis enfin seule et je prends mon temps pour remettre un à un mes vêtements. J'en profite pour vérifier que je suis toujours entière. Je m'applique à rentrer mon T-shirt dans mon pantalon, à bien remonter mes chaussettes comme pour cacher mon corps au docteur. C'est fini, il ne peut plus rien m'arriver. Enfin presque.
Reste le moment de l'ordonnance, déjà partiellement rédigée quand j'ose enfin pointer le bout de mon nez dans le grand bureau. Le docteur pose à nouveau son regard sur moi mais je sais qu'il ne me touchera plus. Il m'informe qu'il me donne encore des médicaments pas bons du tout, et que je suis une petite fille très courageuse pour accepter de les prendre. La suite s'enchaîne assez vite. Maman sort son carnet de chèques, et nous sortons. Ce n'est que sortie de l'immeuble que mes muscles et ma langue se délient. Le temps reprend son cours normal et la vie peut enfin continuer.

J'ai depuis changé de médecin traitant. Je vois une femme, très douce. Malgré tout, je ne suis jamais totalement détendue lors d'un passage chez le médecin. Peut être est-ce un reste de ces souvenirs d'enfance, peut être finalement, que tout patient est angoissé par la crainte d'un verdict médical.
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commentaires

A
Bienvenue dans la communautéA très bientôtAnnie
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N
Merci ! A bientôt !Ninoche ;-)
I
C est vrai que les medecins peuvent vraiment etre des blaireaux.. Mais je suis tres attentif a ces choses, en tant qu interne en medecine generale, et je me rends bien compte a quel point il est difficile d etablir une relation de qualite avec son patient, et surtout avec les enfants.. Surtout que tu as bien raison, ca peut influencer son vecu de la maladie pour longtemps. Mais c est tellement complique, que je finis par me dire qu il existe un medecin pour chaque patient, et que ce qui compte c est, pour le patient, de trouver celui qui lui correspond..:)
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N
Même si la relation établie entre le médecin et le patient n'est pas parfaite, il y a pour moi une marge entre une relation correcte et l'attitude du médecin que je décris. Je sais que ce récit est très subjectif, mais il doit aussi y avoir une part de responsabilité de la part de ce médecin. Et quelle marge de recherche peut avoir un enfant pour trouver "son" médecin traitant ?
A
Magnifique billet! Il me rappelle tout-à-fait les souvenirs de l'attente et des visites chez le dentiste (30 ans après, mon actuel dentiste en paye encore les frais!!!).<br /> <br /> Bon courage pour le festival des blogs médicaux...
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N
Merci de votre visite. Je crains que ce billet n'entre pas tellement dans le ton du carnaval des blogs médicaux, mais son écriture m'a fait beaucoup de bien !A bientôtNinoche