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18 avril 2019 4 18 /04 /avril /2019 12:40

Gilbert a 7 ans. Depuis sa petite section, il interroge beaucoup ses enseignants par son comportement. Il est agité, demande beaucoup de présence autour de lui, il est parfois très provocateur et peut se mettre en colère de façon assez violente. Il a appris à lire, mais l’écriture est un gros point de blocage pour lui. Je suis donc sollicitée par son enseignante de CP pour l’aider sur ce point. Avec Gilbert et un autre copain de sa classe, on a décidé d’écrire un livre. Parce que dans la vie, il faut avoir de l’ambition. C’est difficile, parce que Gilbert a beaucoup besoin de bouger, supporte assez mal que je sois occupée avec son copain, mais petit à petit, on trouve notre rythme. Gilbert écrit sur le tableau de ma classe, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’il accepte d’écrire. Et pour mettre au propre, c’est moi qui fais, pour éviter les colères de frustration.

Globalement, c’est dur en classe aussi, mais Gilbert progresse, et son enseignante a bien compris qu’il fallait le valoriser le plus souvent possible. Ensemble, nous décidons de faire le point avec les parents de Gilbert.

Un soir donc, Gilbert arrive avec son papa, il lui tient la main, mais semble inquiet. D’un sourire, j’essaye de le rassurer, nous ne sommes pas là pour le gronder. Nous nous installons, l’enseignante de Gilbert parle à son père des progrès dans le comportement de Gilbert, et puis me passe la parole. D’abord, je rappelle mon rôle, spécifiquement auprès des élèves qui rencontrent des difficultés en classe. Et comme je trouve ça un peu dommage que Gilbert ne dise rien, je le sollicite. « Alors Gilbert, tu as parlé de ce qu’on prépare en groupe avec tes parents ? ». C’est le papa de Gilbert qui répond « Non, on ne sait pas grand-chose de ce qu’il fait avec vous ».

Je reprends la parole, toujours en m’adressant à Gilbert « Et bien alors ? Tu sais que tu peux être fier de ce que tu fais, moi, je suis très contente de ton travail. Tu racontes à ta maîtresse et à papa ? » Gilbert s’enfonce sur sa chaise.

Je ne comprends pas. J’ai un enfant toujours très avenant en groupe, toujours ravi de me parler de lui, de ses copains, de la classe. Et en face de moi ce soir, il est mutique. Pire, quand son papa insiste pour qu’il raconte, Gilbert se recroqueville en remontant les genoux sur son torse. Plus son père le sollicite, plus il cherche à disparaitre. Je finis par raconter notre projet, dire que Gilbert fait beaucoup d’efforts, travaille bien, s’investit. Le papa de Gilbert le félicite. Gilbert est en chien de fusil sous la table. Refuse tout contact visuel avec nous.

Je suis sous le choc de ce que je vois. Quel est donc ce petit garçon que j’ai découvert ce soir ? Que se passe-t-il dans sa tête pour qu’il devienne fuyant à ce point ? Quelle est la relation entre ce père et son fils pour qu’une simple sollicitation tourne à l’affrontement entre eux ?

Le surlendemain, je retrouve Gilbert à l’école. Il vient me saluer sur la cour de récré, il est redevenu « normal », comme je l’avais toujours vu. Pourtant, mon regard à moi a changé. J’essaye de savoir un peu ce qui se passe à la maison, il me jette un regard noir, et change de sujet.

Je ne sais pas ce qui se passe chez Gilbert, mais une chose est sûre, je suis particulièrement vigilante aux signaux d’alerte qu’il pourrait m’envoyer.

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